Rouben Melik poète amis.roubenmelik@gmail.com
24 Avril 1915 Génocide des Arméniens
Rouben Mélik extrait du Veilleur de pierre
Ailleurs qu'ici les morts se sont couchés de long
Passant la nuit à leur silence
Où je suis avec eux, veillant sur les jalons
Fixés pour leur reconnaissance ,
Croix par croix, tout le long des chemins égarés
Où je reste avec eux et veille
Sur l'offrande des corps limités par le grès
Q'une lune morte ensoleille.
Vieille lune avec moi sur eux
Qui n'ont plus ni de mains ni de bouche
Que ni le vent ne vient, les touche
Ni le désir dans leurs yeux creux.
C'est pour l'amoureuse façon
Qu'ils ont d'être couchés que l'arbre
Penche ses branches sur le marbre
Où tu laisses, lune, un frisson
Que l'herbe à peine a consenti
Plus que l'ombre où elle est naissante
Dans la défaite bruissante
Où d'un doigt l'ongle est désserti
Vieille lune! avec moi tu vas
Composer la plus longue attente
Pour tous les corps que la nuit tente,
Que le jour n'éveillera pas
Pour tous les corps que nous veillons,
Toi la bougeante et moi de pierre,
Adoucis l'herbe des litières
Où, dans les liens de leurs haillons,
Ils seront morts sans savoir où
Ni le goût de la vie aux lèvres
Avec dans leurs yeux cette fièvre
Portant en eux un rêve fou .