Rouben Melik poète amis.roubenmelik@gmail.com
L'ORDINAIRE DU JOUR
Ca suit son cours l'argile entre les doigts qu'Elle a
Formés pour le plaisir d'être en soi la durée
D'un corps encore en marge où rien ne s'y cela
Que dans son dos la déchirure exagérée
Les rencontres décisives
Au jardin du Luxembourg, ils lisent le poème de Paul Eluard ,
La Dame de Carreau qui s'achève par :
les cartes m'ont dit que je la rencontrerai dans la vie,
mais sans la reconnaître, aimant l'Amour.
Une carte à jouer oubliée se trouvait au pied du banc , comme un
signe : la dame de carreau,
Ils se sont engagés pour la vie et se marient le 24 Juin 1944.
1942 paraît son premier recueil de poèmes : Variations de Triptyques .
Il l’a adressé à Paul Eluard qui lui répond le 11 Juin 1942:
J'aime vos poèmes et je serai heureux de vous rencontrer.
De là naîtra une profonde amitié entre les deux poètes.
Sculpture Ella Melik
1942 Sur la page de droite de ce cahier Rouben Melik inscrit les noms
des personnes à qui il a remis son premier recueil de poèmes:
Variations de Tryptiques : Eluard, Bachelard, Valery, Alquié,
la censure allemande , les prisonniers ... (archives IMEC)
MADAME DU POETE
Mais cette voix si familière et ce sourire
Depuis quatre ans, et la rencontre à notre guise
Au bout du rêve, au bout du quai de la surprise,
Cette carte à tes pieds, et la dame au sourire.
La dame du poète, un titre de poème,
Pour nous deux un amour au plein de tant de voiles
Allumez la lanterne, effrayez les étoiles,
Madame du poète, aux genoux du poème,
Madame du poète on vous dit vous aussi
Pour vous dire un peu plus l'ombre ou la prison des nains
Ces siècles suspendus fil à fil à nos mains.
Ces fenêtres du ciel sur le front de l'ami.
Et tous ces matins clairs arrachés aux parvis
Du silence de la nuit, du soleil au couchant,
Et ces vastes drapeaux où dorment les enfants,
Madame du poète, ils seront là aussi.
ACCORDS DU MONDE
L'occupation, la guerre c'est aussi la rencontre décisive d’Ella, sa muse, la compagne pour la vie entière. Elle a quitté la Turquie à l'heure du génocide arménien .
Inscrite à l'école des Beaux Arts, elle s'initie à la sculpture qui concentre pour elle toute la sensualité de la terre modelée mêlée à la connaissance des corps de femmes que plus tard elle habillera et déshabillera pour le théatre dans son travail de costumière. Elle sculpte dans l'argile les femmes du quotidien, corps nus de femmes aux gestes gracieux s'abandonnant au songe ou à la tristesse.
Leur amour prend racine dans ce Paris occupé où l'art, la poésie , la musique entrent en résistance.
Il vient du temps des Oradours
Notre amour à jamais comme une litanie
Où s'efface le chant où l'on mourut d'amour
D'avoir autant aimé la vie.
Où le sang a coulé
OÙ LE SANG A COULÉ
C'est la nuit des moissons où l'on chante à voix basse
Et tu venais t'asseoir au feu de la veillée
Les cheveux sur l'épaule à peine dépeignée,
D'avoir couru les champs de blé à peine lasse.
Et l'on était jaloux du brin d'herbe accroché
A ta robe, et la lettre aux mots déjà vieillis
Où l'on parlait d'amour sans y toucher
Comme un jardin cloîtré derrière son treillis.
Tu faisais d'un sourire un semblant de caresse
Et l'on fermait les yeux pour cacher ses alarmes,
Jamais l'on ne sépare un amour de ses larmes
Et l'on était heureux comme d'une promesse